Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gabriel Attal, a annoncé le 29 mai, dans le journal Le Parisien, avoir demandé "une mission pour définir les modalités de l'incorporation des données de la carte Vitale à la nouvelle carte d'identité".

À première vue, cette approche peut paraître séduisante : en effet, les éléments biométriques existent déjà dans la carte d'identité à puce (dont personne ne se sert, faute d'usage pour les citoyens). L'utiliser pour les frais de santé serait-il un moyen de tirer parti de son coût tout en exploitant (ou économisant) le budget déjà alloué pour l'évaluation d'une carte Vitale biométrique ? 

25 ans après avoir décidé de sa généralisation, la carte Vitale, ce petit bout de plastique vert doté d'une puce électronique, est la partie visible d'un système d'une efficience aussi extraordinaire que méconnue. 

Il faut avoir plus de 40 ans pour comprendre la formidable transformation du traitement opérationnel des frais de santé qui s'est déroulée de 2000 à 2010, dont les résultats ont été mesurés et attestés par la Cour des Comptes (dans son rapport public annuel sur la Sécurité Sociale 2010). Et les ordres de grandeur sont vertigineux, comme tout ce qui touche à la santé : 

  • En 2000, ce sont 1 milliard de feuilles de soins produites par an qui étaient transmises en format papier (1 milliard par an, donc 3 millions de formulaires Cerfa à saisir par jour dans les caisses primaires d'Assurance Maladie, nécessitant plus de 10 000 agents).  
  • En 2010, le cap du milliard de feuilles de soins transmises désormais par voie électronique a été passé grâce à la carte Vitale. 

Chaque feuille de soins transmise en format électronique permet d'économiser 1,47 € (le coût de traitement d'une feuille de soin papier était estimé en 2010 à 1,74 € contre 0,27 € pour la transmission électronique) : c'est donc plus d'1,5 milliard d'euros qui sont économisés chaque année grâce à cette invention française qu'est la carte Vitale ! 

Toute la classe politique devrait se réjouir d'un système aussi performant qui délivre les résultats attendus. Malheureusement, décider d'"optimiser" ce système sans s'appuyer sur les compétences des experts français peut être inefficace voire dommageable. Je citerai deux exemples emblématiques sur vingt ans : 

  • La décision d'ajouter une photo d'identité sur la carte Vitale annoncée en mai 2004 : l'objectif était (déjà) de lutter contre les fraudes aux prestations sociales. Cela aura coûté beaucoup d'argent public, et personne n'a constaté une quelconque différence en matière de fraude.  
  • Le choix de remplacer le protocole développé et maîtrisé par les ingénieurs français de l'Assurance Maladie pour les lecteurs de cartes Vitale, par un standard technique soutenu à l’époque par des sociétés américaines : c'est sur l'initiative commerciale d'un industriel français de l'informatique (qui n'existe plus aujourd'hui) que l'Assurance Maladie a, il y a quinze ans, décidé de faire reposer les lecteurs de cartes Vitale sur ce protocole (dont personne n'est aujourd'hui engagé à assurer la pérennité), au détriment de la norme française. Cette évolution aura coûté énormément d'énergie là encore et n'aura apporté aucun bénéfice connu. Un comble à l'époque des débats sur la souveraineté technologique, la réindustrialisation de la France et la French Fab ! 

 

Attention donc aux bonnes idées qui marcheraient chez nos voisins européens et pourraient naturellement être transposées chez nous. Le système SESAM-Vitale est très efficient. Qui peut affirmer que les systèmes en vigueur en Belgique, au Portugal et en Suède sont plus performants que notre organisation française ? 

La carte Vitale, elle marche bien, alors foutez-lui la paix !